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Jeannine se confie quand même un peu et raconte :

 

            Etant l’aînée des filles, j’ai aidé ma mère aux tâches ménagères dès que cela m’a été possible, j’avais alors moins de dix ans.

            Notre famille nombreuse apportait beaucoup de linge à laver qu’il fallait ensuite faire sécher et repasser, puis encore aider maman à s’occuper des tous petits, de la cuisine, soigner les cochons, la basse-cour, traire les vaches, ce n’était jamais finit !

           Quand le petit monde était enfin au lit, il restait encore le lait à écrémer avant qu’il caille et à baratter le beurre avec des machines fonctionnant à l’huile de coude,  ceci jusqu’à parfois onze heures du soir : Il m’arrivait d’en pleurer de fatigue !

          Par contre, emmener les vaches au communal n’était pas pour moi une corvée, et c’était presque une promenade quand le bâton à la main je les y conduisais. Le soir, je retournais chercher mes bêtes, le plus dur pour moi était de manœuvrer la lourde barrière. Après il me fallait les compter car il arrivait que l’une d’entre elles s’attarde au fond du pâturage, et quand c’était le cas je partais à sa recherche. Je la trouvais généralement en train de brouter, à l’inverse de ses congénères elle ne s’était pas rendu compte qu’il était l’heure de rentrer à l’étable. Le reste du troupeau nous attendait patiemment à la barrière ; j’ouvrais celle-ci pour laisser passer la dominante et elle restait à la tête des autres vaches tout le long du chemin.

          J’ai toujours été passionnée par les fleurs, à commencer par celles des champs, et quand j’en découvrais sur le trajet, je me faisais au printemps un bouquet de nez-de-chat, primevères,  boutons d’or, aubépine, puis d’églantines et de marguerites quand arrivait le mois de mai ; enfin c’étaient .les coquelicots et les bleuets au début de l’été.

          Le temps des roses au mois de mai était aussi celui des processions religieuses. Les bonnes sœurs nous envoyaient quémander des fleurs chez les voisins possédant des rosiers afin de pouvoir parsemer le parcours de la procession et décorer les reposoirs, c’était peut-être la seule tâche paroissiale que j’accomplissais avec plaisir.

           Revenons à mes vaches qui après avoir remonté le chemin du communal avaient traversé la route de Grues pour s’engager dans celle qui rejoignait la route de St. Denis et  qui empruntée sur quelques centaines de mètres, les faisait finalement arriver au Raccord.

            Elles s’empressaient alors d’aller se désaltérer à l’abreuvoir avant de rentrer dans l’étable où elles rejoignaient leur emplacement habituel. Une fois en place, je les y attachais et un complément de nourriture leurs était ensuite donné. La traite n’était effectuée qu’une heure ou deux plus tard. J’avais 6 à 7 vaches à traire et maman autant.

           La traite manuelle favorisait un contact et une complicité avec les animaux que j’appréciais particulièrement. Cet exercice physique avait la particularité de développer certains muscles qui me favorisèrent une bonne poigne.

            Cet acquit a fait râler bien des fois ma patronne du snack-bar de La Tranche où j’allais travailler en saison : elle n’arrivait jamais à défaire une vis ou un bouchon que j’avais serré, par exemple : la cocotte-minute ( entre autres ustensiles).

          Autre inconvénient : Quand j’étais de service au bar et que je lavais les verres fins ( à digestif ), j’avais tendance à les pincer trop fort en les essuyant et il m’arrivait de les casser avec le torchon. 

           Au Raccord, le samedi matin c’était mes jarrets que je faisais travailler, je prenais le vélo pour aller vendre le beurre que j’avais baratté la veille au marché de Luçon.

           J’adorais m’occuper des jeunes oies, au printemps je les faisais entrer dans le jardin potager pour qu’elles picorent dans les parcelles qui n’étaient pas labourées et encore moins ensemencées. Je trouvais ces bêtes sympathiques et elles obéissaient bien à mes mouvements de baguette. Je ne devais cependant pas les quitter des yeux, sinon les plants de salade n’auraient pas fait long feu. Quand elles devenaient adultes et qu’elles divaguaient  dans la basse-cour, elles faisaient prendre de grosses colères à papa, car elles grimpaient sur la charrette de fourrage et maculaient de leur fiente choux et betteraves.

           Les pintades étaient encore plus volages et allaient souvent se percher sur les murs et les toits des dépendances.

           Le dimanche après-midi à la belle saison, je partais à travers les champs pour y cueillir quelques fleurs et là, je me laissais guider par le chant des grillons et m’amusais à les faire sortir de leur cachette en agitant un brin d’herbe à l’intérieur du trou qui leur servait d’habitat.

           En 1960, Claude mon frère aîné effectuait son service militaire quand son fils Christian est né, je suis alors partie aider ma belle-sœur à Orléans. Elle se retrouvait seule pour élever son enfant et tenait à continuer son activité professionnelle et conserver son emploi.

            C’est dans cette ville que j’ai découvert la vie citadine avec ses avantages et ses inconvénients. Côté inconvénients : à commencer par le quatrième étage sans ascenseur avec un bébé à porter, de même que tous les accessoires accompagnant le nouveau-né.

            Quand j’allais promener Christian dans sa poussette, mon itinéraire préféré passait par la roseraie d’Olivette où de magnifiques roses exhalaient leur parfum.

            A vivre en compagnie de Crica, j’ai été initiée à de plus strictes règles d’hygiène et à parfaire ainsi les cours inculqués à l’école familiale de Grues. J’ai aussi pu goûter chez elle  une autre manière de vivre et à la satisfaction de voir la propreté durablement installée. De même quand nous allions séjourner à St. Quay Portrieux chez ses parents, j’ai pu apprendre plein de choses que je n’aurais ignorées en restant à Lairoux. En échange, j’apportais à Crica mon expérience des bébés et leur manipulation.

 

Jeannine à St. Quay-Portrieux

  Jeannine       Crica . La mère de Crica. Christian.   La vieille tante de St. Quay.

            A part ça, je me suis aussi découvert une aversion pour l’art lyrique. Crica m’avait entraînée pour aller voir l’opérette : ‘ La Fille de Madame Angot ‘, j’ai regretté ma soirée et mes sous. Je n’aime pas entendre les gens crier ou parler fort, et pour le chant c’est la même chose : J’aime entendre chanter, pas hurler.

            Claude était sursitaire, pour cette raison, et aussi à cause de la durée du service militaire qui était de 2 ans et demi à cette époque, de même que l’appel avancé d’un an pour Gérard à cause des classes creuses : Mes frères aînés ont presque tous fait leur service militaire en même temps.

            Michel a été appelé le premier en janvier 1958 et envoyé en Algérie après 4 mois de classe, puis ce fut Claude qui lui resta en France tant que Michel était en Algérie conformément à une décision gouvernementale faisant éviter à deux frères d’être exposés en même temps en A. F. N. Ils se croisèrent sur le sol algérien et auraient pu se rencontrer si la chance l’avait voulu. Puis ce fut le tour d’Adrien à être appelé et à sa grande surprise car la marine avait refusé son engagement ; Gérard suivit, appelé à 19 ans au lieu de 20 et il fut dirigé sur l’Algérie, Claude n’y étant plus. Adrien avait été lui, muté en Allemagne.

                                        Thierry est né le 26 février 1960 et a été baptisé le 17 juillet 1960

 

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