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 Zilda 1958.Jeannine du Raccord à gauche et son vélo tout neuf, à droite Jeannine d’Angles.Elles s’en vont  danser dans les bals du dimanche

                                                                                      ZILDA.

            Zilda était une ancienne infirmière mariée à un Russe de l’armée Blanche qui avait fuit la révolution en 1917. Elle aida beaucoup Maman, et se dévoua pour soigner Maryvonne en particulier. Elle l’hébergeait chez elle pour qu’elle soit coucher convenablement ( sur un lit rigide ). Pendant les années 40, alors qu’il n’y avait pas de cantine, les plus vieux de mes frères allaient manger chez elle .Un peu plus tard, certains dimanches, elle invitait quelques enfants du Raccord pour le repas de midi ; c’était pour eux, un peu un jour de fête. Zilda avait également un don : Elle conjurait les brûlures, pour cela, elle soufflait sur les cloques et la douleur s’évanouissait !

           La brave Zilda qui ne se déplaçait qu’à pied venait par tous les temps au Raccord pour aider maman ; elle faisait de la couture, repassait le linge, soignait les bobos.

             Quand Monsieur Maillet le directeur de l’école primaire faisait le compte des absents à la fin des mois d’hiver, Il s’étonnait de constater que de tous les élèves, c’était régulièrement ceux de la famille Guinaudeau qui avaient le moins manqué la classe et le plus échappé aux épidémies. Il est bon de préciser : Pour que Maman ne nous envoie pas à l’école, il fallait que nous soyons très malades à ne pas tenir debout, elle avait suffisamment d’occupations à la ferme pour ne pas avoir en plus un enfant malade à soigner. A un moment donné, nous avons été 9 frères et sœurs en même temps à l’école communale.

               Du raccord à l’école, il y avait bien deux kilomètres et il fallait faire durer nos chaussures qui avaient les semelles qui s’usaient vite. Papa à la rentrée scolaire allait porter nos chaussures chez le cordonnier Roger Plissonneau pour qu’il garnisse les semelles de clous ; il lui en apportait jusqu'à dix paires à la fois !

                Mes frères aînés partaient les premiers, et je les suivais en emmenant mes sœurs et autres frères plus jeunes. Comme la maison de ma marraine : Lydie Baudry se trouvait sur le trajet et je récupérais ses deux filles : Yvette et Roselyne qui venaient se joindre au petit groupe dont j’avais la charge.

                Devant, les garçons chahutaient et même parfois se battaient, roulant dans le fossé et déchirant leurs vêtements ; ces dégradations leurs donnaient droit à une raclée de plus, mais cette fois-ci administrée par le père Adrien.

                                                      Les élèves de l’école de Lairoux en 1947.

                                                        Claude Guinaudeau est le 6ème du 1er rang.

 

               

1960 : Les élèves de l’école de Lairoux photographiés devant la salle des fêtes. L’ancienne école qui est contiguë a été aménagée depuis pour accueillir des réunions publiques ou privées. Joselyne est ici la plus âgée des enfants Guinaudeau : Elle est la neuvième à partir de la gauche de l’avant dernier rang et Christian en est le troisième. Daniel est le 4ème du 4ème rang. Yannick le 5ème du 3ème rang, alors que Chantal en est la 11ème.Nicole est la 8ème et dernière du 2ème rang.

               Pendant les années 50, Raymond, le plus jeune du groupe formé par mes frères aînés était aussi un peu leur souffre-douleur, il suivait souvent ses frères en pleurnichant, et Fernand Baudry qui le voyait passer presque tous les jours dans cet état l’avait surnommé à l’époque le ‘ brailloux’. Il faut dire que c’était devenu un jeu pour ses frères de le faire pleurer, tant et si bien que le père a fini un jour par se fâcher et y a mis fin.

               Le marais de Lairoux est en été un pâturage communal. En hiver il ressemble à un petit lac et Gérard y est tombé dedans au moins trois fois.

               Une première fois alors qu’il était dans le bateau avec Michel, celui-ci fit bouger l’embarcation bord sur bord, Gérard perdit l’équilibre et tomba à l’eau.

              La seconde fois, il s’était bagarré avec Dédé qui ne voulait pas lui prêter le vélo pour qu’il apprenne à monter dessus et rouler avec. Dédé plus costaux, s’était débarrassé du teigneux  en le garrochant dans un fossé rempli d’eau d’où Gérard eut grand mal à se sortir ce qui fit accuser Dédé d’avoir voulu le noyer.

               La troisième fois, il voulut faire comme Michel qui avait sauté un fossé en s’aidant de la pigouille ( perche servant à pousser le bateau ) ; malheureusement, Gérard ne pris pas assez d’élan, et resta planté au milieu du fossé. Il fut bien obligé de lâcher prise et eu droit à un bain forcé, il rentra une nouvelle fois à la maison trempé jusqu’aux os et pas content du tout. Jamais plus il ne renouvela sa tentative.

       La rive du Gorgeais.

                                Le marais de Lairoux ici en été, est l’hiver complètement recouvert par l’eau du Lay qui déborde.

               Claude aussi a eu droit à la trempette, un jour qu’il était parti à vélo rejoindre Michel qui gardait les moutons à Ringeard du côté de la Pointe-aux-Herbes. Il se risqua à franchir le canal sans descendre de bicyclette, mais dérapant sur l’étroite passerelle, il fit un plongeon avec le vélo. Il devait avoir en ce temps là 14 ans, et quelques années auparavant, il s’était aventuré en bateau sur le marais pour aller chercher un kilo de sucre et un litre d’huile chez l’épicière de Lairoux, mais l’embarcation de l’apprenti navigateur prenait l’eau et elle coula au milieu de l’étendue d’eau. Claude avait de l’eau jusqu’au ventre, le sucre mouillé était à  moitié fondu et la bouteille d’huile n’avait plus d’étiquette ! Claude dut alors tirer le bateau et revenir à la barrière du communal pour ne pas passer au-dessus du grand fossé où l’eau était profonde de 3 à 4 mètres. Quand Monsieur Maillet fut au courant de son aventure, il le surnomma Christophe Colomb.

             Le père Adrien Galeste revenait un jour de La Bretonnière à vélo et n’avait pas la gorge sèche. Il descendait une côte, et quelques centaines de mètres dans le sens opposé, un autre cycliste faisait de même. Apparemment, tous deux allaient se croiser dans le bas de la côte.

             Eh bien non ! Malgré la largeur de la route, les deux cyclistes entrèrent en collision. Quand ils se relevèrent, ils constatèrent que les dégâts n’étaient guère importants, tant  physiques que matériels. Ce qui fit dire à Galeste s’adressant à son adversaire :

            « Pisqu’olé d’même, on a qu’a partir chacun avec c’qu’on a ».

            Sur ce, Galeste enfourcha son vélo et continua sa route.

            Quand il arriva devant le bistrot de Roger Plissonneau, il s’y arrêta, histoire de se remettre de ses émotions et raconta sa mésaventure aux consommateurs présents. Bien sûr, il répéta la fameuse phrase qu’il avait dite pour couper court à toute discussion avec l’autre cycliste.

      Et bien sûr, celle-ci eut tôt fait d’être répétée, puis colportée, elle fit le tour de la commune.

       le petit monde du Raccord ne l’apprit lui qu’en dernier. 

               L’école primaire de Lairoux :

            Tous les enfants d’Adrien et Yvonne ont fréquenté cette école tenue par un couple d’instituteurs : Monsieur et Madame Maillet et conservent pour ces enseignants à la fois respect et affection. Une autre personne restera dans leur mémoire : Madame Ratier la cuisinière de la cantine qu’ils appelaient plus communément la Mère Ratier et dont Dédé se plaisait à dire qu’elle était pour lui une deuxième mère.

             Il n’y a pas toujours eu une cantine à l’école, avant qu’elle soit créée, les enfants habitant les fermes et les hameaux environnants apportaient leur panier et déjeunaient sous le préau. C’était généralement Dédé qui tartinait le pain de ses frères et sœurs plus jeunes. Il découpait de larges tranches dans le pain de 6 livres que fabriquait le boulanger de Grues : Robergeau.

             Monsieur Maillet l’instituteur pensa qu’une soupe chaude surtout l’hiver serait la bienvenue et il alla demander à Madame Ratier qui était chargée de l’entretien des salles de classes si elle voulait bien consentir à préparer une soupe chaude pour le midi.

            La réputation de cette brave dame pour sa serviabilité et son dévouement n’était plus à faire, et elle accepta volontiers de cuisiner cette soupe bénévolement.

             Dans un premier temps, elle la préparait chez elle, puis la transportait à l’école au moyen d’une voiture d’enfant dont elle avait retiré la capote. Dans cette voiture qui avait servi quelques années auparavant à transporter René et Yvonne bébés, elle mettait les récipients encore bouillants puis les roulait jusqu’au réfectoire.

             Au bout de quelques semaines, la soupe a été complété par un plat et un dessert en faisant un vrai repas : La cantine était devenue une réalité, et notre entreprenant instituteur créa alors l’amicale des parents d’élèves pour apporter les finances et le soutien nécessaires à son fonctionnement.

             Voici quel était le menu immuable de la semaine :

             Lundi : Pot–au–feu.

             Mardi : Ragoût – pommes de terre.

             Mercredi : Pâtes alimentaires ou produits apportés par les familles.

             Jeudi : Pas d’école, pas de cantine.

             Vendredi : Morue à la sauce blanche avec patates.

             Samedi : Saucisses – purée.

             Tous les jours il y avait de la soupe, elle était faite le lundi et le mardi avec les mêmes légumes qui accompagnaient le plat du jour, il y avait également tous les jours de la confiture pour le dessert. Les élèves devaient apporter leur pain, et les légumes étaient fournis par les parents qui en récoltaient pratiquement tous dans leur potager.

             Madame Ratier veillait à ce que ses pensionnaires mangent de tout. Monsieur Maillet venait l’aider un peu, et c’est lui qui préparait la vinaigrette :  « Il avait la main un peu forte avec le vinaigre » se rappelle maintenant Michel. La mère Ratier qui avait constaté que Gérard était un grand mangeur, lui remettait volontiers une louchée de pot-au-feu ou autre plat en sauce ; elle réussi aussi à faire manger de la morue à Maryvonne qui en avait le dégoût. Trois jours de suite Maryvonne a retrouvé sa portion de morue dans l’assiette et rien d’autre, elle a fini par craquer et l’a mangée.

              Avant que la cantine existe, le panier apporté pour le déjeuner n’était pas toujours approvisionné en entrées et en desserts, alors que pour le plat principal, il y avait largement la quantité. Pour cette raison, quand Martineau le poissonnier qui vendait également fruits et légumes passait avec sa camionnette au Raccord, notre mère Yvonne lui demandait de bien vouloir laisser à l’école : Artichauts, bananes ou autres produits pour compléter le panier.

             L’amicale offrait un voyage au bord de la mer pour les écoliers à la fin de l’année scolaire. C’est ainsi que j’ai pu découvrir la Grande Bleue avec émerveillement, cueillir dans les dunes un bouquet d’œillets maritimes et me griser à respirer leur parfum.

             Le souvenir agréable de cette journée à contribué à ce que plus tard je recherche un emploi saisonnier sur le littoral.

             Quand la famille Faucon a quitté Lairoux pour tenir la ferme de la Belle Henriette à la Tranche sur mer, j’y suis allée passer quelques jours pour aider Madame Faucon à préparer la communion de son petit dernier. C’est à cette occasion que je lui ai demandé si elle voulait bien me trouver une place pour la saison. Elle donna satisfaction à mon souhait en me faisant embaucher comme barmaid dans un snack-bar. J’y ai effectué quatre saisons, puis sept autres à vendre du pain et de la pâtisserie à la Grière, après m’être mariée à un boulanger.

              A ma première saison, le jour convenu, j’ai quitté Le Raccord à vélo pour me rendre à La Tranche. J’avais mal apprécié la distance et le temps qu’il me fallait pour accomplir le parcours avec le vent en pleine figure, et je me suis présentée avec du retard : ce qui me valu une réprimande de la part de ma nouvelle patronne.

              L’année suivante, j’avais plutôt de l’avance sur l’horaire, je suis arrivée sur ma  Mobylette bleue toute neuve que je m’étais achetée. 

 

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