Si l’hiver nous ne manquions pas l’école, quand arrivaient les beaux jours, c’était un peu différent à cause du travail à la ferme. Pour ma part, le samedi, je restais souvent à la maison car c’était jour de foire ; je me levais très tôt pour laver les petits cochons. Armée d’une brosse, d’eau chaude et de savon je les frottais énergiquement pour qu’ils deviennent tous roses et beaux et donc plus faciles à vendre.
Pour qu’ils arrivent à cet état, il m’avait fallu pendant des semaines préparer et faire cuire leur pâtée dans le grand chaudron de la buanderie. La nourriture des porcelets après sevrage, se composait d’un mélange de petites pommes de terre avec du blé, l’odeur qui s’en dégageait pendant la cuisson était appétissante. Les petites patates cuites avec le blé avaient pris un goût agréable, et il m’arrivait d’en manger moi aussi.
Pour chauffer la chaudrée, j’utilisais du bois et aussi parfois des bousettes . Les bousettes étaient les bouses de vaches sèches ramassées dans les prés pendant l’été. On les avait apilotées en quinconces de manière à parfaire leur assèchement, puis une fois rentrées à l’abri, servaient à économiser du bois pendant l’hiver.
Dans le marais où le bois était presque inexistant : (Triaize, St. Michel, Angles, ) les paysans fabriquaient des bouses : Au milieu d’un pré, un trou était creusé dans lequel il était mis du fumier, de la paille et de l’eau. Pour mélanger le tout, on y faisait patauger un cheval, puis, quand on jugeait que le produit était suffisamment malaxé, il était versé dans un moule métallique qui lui donnait la forme d’une grosse galette. Les rondelles ainsi obtenues étaient mises à sécher sur l’herbe aride de l’été. Une fois que le soleil avait bien grâlé les bouses et qu’elles étaient devenues dures, on les mettait en pilots pour terminer leur assèchement, elles prenaient alors la forme de petits tas appelés bousats .
Les utilisateurs de ce combustible affirmaient qu’il n’y avait rien de meilleur qu’une grillade d’anguilles ou de jambon de pays sur un feu de bouses !
Peut-être aussi que ces gens là avaient une grande habitude de ce genre de fumet.
En 1843, le maire de Lairoux et son conseil municipal votèrent après une délibération pour faire appliquer un arrêté réglementant le ramassage de bouses de vaches dans le communal. Celui-ci était la cause de nombreuses disputes entre les utilisateurs de cette prairie communautaire.
Extrait des archives municipales de Lairoux avec son orthographe d’origine.
Bousats à Grues.
Quand les petits cochons n’étaient pas tous vendus à la même foire, il me fallait alors leurs refaire la toilette pour la foire suivante qui avait lieu : soit à Luçon, La Roche, Les Moutiers ou autre. Plus l’été approchait, plus on me faisait lever de bonne heure, et il arrivait que je m’endorme sur ma table d’école. Monsieur Maillet qui connaissait la raison de ma somnolence, me laissait ainsi dormir pendant la récréation.
La grande toilette : Elle avait lieu le dimanche matin et à la Butte des Chaumes, la baignade se déroulait sous le hangar à charrette dans de grandes bassines ( bailles ). Au Raccord, c’est la buanderie qui faisait office de salle de bain ;
Je commençais par faire chauffer l’eau dans le grand chaudron, les bailles servaient toujours de baignoires et pendant que mes frères se savonnaient, je repassais leur chemise du dimanche. Je me servais pour cela du gros fer à repasser que j’avais rempli de braises prélevées dans la cheminée.
Une fois qu’ils s’étaient bien shampoognisés, puis eaudecolognisés et pour finir, de se brillantinisés les cheveux, ils enfilaient la chemise encore toute chaude.
Propres comme des sous neufs, ce jour là, ils ne sentaient pas la ferme.
Monsieur et Madame Maillet les instituteurs avaient une fille ( Jeannine ) handicapée mentale, elle les accaparait beaucoup, pendant la coupure de midi, j’allais lui tenir compagnie afin que ses parents puissent déjeuner tranquillement. Avant moi c’était Dédé qui s’occupait d’elle, et Maryvonne prit la suite après moi.
Quand l’école primaire fut terminée, j’étais inscrite à une école de comptabilité à Fontenay-Le-Comte, mais il y eut la naissance de Didier et je restais aider Maman.
Ma vie de jeune fille commençait et le besoin de sortir le dimanche pour aller au bal me fit demander à ma mère vêtements et chaussures appropriés. Sa réponse fut sans détour : « Vas gagner tes sous chez les voisins des alentours, ce n’est pas le travail qui manque. »
Je me rendis donc chez la couturière du Voureuil Madame Barret pour y faire du ménage et la lessive, écrémer le lait puis faire le beurre, car son mari ( La Vapeur ) était agriculteur et avait quelques vaches : En échange, elle m’habillait. : j’avais 13 ou 14 ans quand elle me confectionna un pantalon ( fuseau ) et un manteau ; j’avais beaucoup apprécié à être vêtue aussi chaudement pour une fois. Madame Barret était une travailleuse acharnée qui passait une grande partie de ses nuits à faire de la couture, j’ai gardé une grande considération pour elle. J’allais aussi chez ma marraine Lydie Baudry et également chez madame Rivoisy pour m’occuper de sa fille handicapée et faire la lessive. J’allais de même dans le voisinage servir les repas de communion, faire les foins, les vendanges etc…J’ai alors pu m’acheter un vélo ( jaune ) et des chaussures pour aller au bal ; j’y allais en compagnie de ma cousine Jeannine d’Angles qui passait me prendre à vélo elle aussi.