Je me souviens de n’avoir reçu en cadeau qu’une seule poupée ( sans doute offerte par Lydie ma marraine ) quand j’étais enfant ; sa durée fut éphémère, mes frères la massacrèrent en peu de temps. Les poupées ou autres personnages avec lesquelles j’ai joué le plus souvent sont ceux que je m’étais fabriqués. Pour les confectionner, j’utilisais : brindilles, paille, pommes de terre. Une fois que la famille fut installée au Raccord, mes jeux de petite fille se terminèrent, j’ai eu alors à pouponner de vrais bébés : mes jeunes frères et sœurs à commencer par Chantal.
Les débuts au Raccords furent difficiles sans eau courante ni électricité. Du puits qui se trouvait à 50 mètres, j’ai retiré des tonnes d’eau ! J’emplissais des bidons à lait de vingt litres que je roulais dans une brouette jusqu’à la maison pour faire la cuisine et la lessive. Une fois que le service d’eau fut installé le puits ne servit plus guère, si ce n’est l’été pour rafraîchir les bouteilles que Papa descendait dans un casier accroché au bout d’une corde. Un jour, alors que le portillon du puits n’avait pas été fermé, j’ai rattrapé Didier au vol, il avait passé une jambe par dessus la margelle ! Une autre fois ce fut Yannick qui glissa sur la passerelle qui franchissait le fossé et que nous empruntions pour aller cueillir les prunes. Daniel se fit agresser par un coq qui lui donna un violent coup de bec sur le dessus du nez le blessant jusqu’à l’os. Sa blessure mit beaucoup de temps à se cicatriser.
l’été il était bien rare que nous ayons besoin d’un panier pour aller cueillir les fruits du jardin, nous les mangions dans l’arbre au fur à mesure de leur mûrissement.
Je me souviens que je grimpait sur le dessus du toit à cochons pour cueillir les abricots des branches reposant sur les tuiles ; celles-ci chauffés par le soleil avaient accéléré la maturité des fruits leurs donnant une saveur que les autres n’avaient pas.
Nous n’étions pas très pratiquants de la religion, mais il devait y avoir quand même un Bon Dieu pour nous, nous avons échappé à des accidents qui auraient pu être graves. Un autre jour, Michel eut le croc à tirer le foin planté dans une fesse. Christian reçu le couteau à deux manches sur le nez, Thierry tira dans le toit de la grange et fit un trou avec le fusil de chasse : Une fois, Papa n’était pas arrivé à retirer une cartouche non percutée du canon de son fusil, la partie de la douille en carton ayant pris de l’humidité, Papa avait bien pris la précaution de casser le fusil, mais il l’avait laissé dans la grange le temps d’aller chercher un outil.
Thierry qui avait peut-être dix ans à l’époque avait été attiré par cet objet, il s’en était saisi, avait redressé l’arme et le coup était parti ! De même que le drôle qui avait détalé à toute vitesse sans demander son reste.
Le père Adrien ne prenait plus de permis de chasse depuis belle lurette, mais il emportait quand même son fusil au champ en le camouflant dans un sac à patates, puis il tirait sur les lapins quand l’occasion se présentait. Il était également très adroit pour attraper les lièvres ou les lapins au gîte quand ce n’était pas au collet. On pouvait le voir marchant à travers champs se baisser soudainement puis se relever en tenant un de ces rongeurs au bout du bras. Papa avait un sacré coup d’œil, il n’a jamais connu la nécessité de porter des verres et ses deux frères de même. Le tonton Julien lisait son journal à près de 90 ans sans lunettes.
Quelques années auparavant, papa avait amené Thierry avec lui alors qu’il y moissonnait du blé. A un moment donné, inquiet de ne plus voir le gamin, il arrêta la moissonneuse. Thierry se trouvait à guère plus d’un mètre devant, il s’était couché dans une rigole au milieu du champ et dormait comme un bienheureux.
Un autre jour papa qui avait eu besoin de pointes, en avait acheté 1 kilo chez Fernand Ratier le menuisier pendant qu’il effectuait sa tournée de laitier.
Le paquet était resté dans la charrette et c’est Gérard qui découvrit de quoi jouer au menuisier. Il prit alors un marteau et se mit à enfoncer des clous un peu partout.
Quand le père voulu clouer ses planches, il ne restait plus que quelques pointes.
Il attrapa alors Dédé qui hurla : « C’est pas moi, c’est Gérard ». Le père saisit alors une serpe, la brandit et s’adressant au coupable lui dit : « Si tu continues à faire des bêtises, je te couperai le cou. » Le message n’était bien sûr que dissuasif et le châtiment se limita à une bonne volaïlle .
Le vélo du père Galeste.
Les deux mêmes acolytes décidèrent un jour de se fabriquer un lance-pierres comme en avaient quelques uns de leurs camarades.
Ils allèrent sans problème se tailler deux superbes fourches dans les arbustes environnants, mais il leurs restait à se procurer les élastiques, et pas d’élastiques !
_ « Je sais où en trouver dit Dédé. » Il se dirigea vers le vélo du père Adrien et démonta la roue avant pour en extraire la chambre à air. Les deux complices remontèrent le pneu sans chambre et rangèrent la bicyclette paternelle.
Armés d’une paires de ciseaux, ils purent alors découper de bons élastiques dans le caoutchouc de la chambre à air, puis ils les ficelèrent aux extrémités des fourches de bois.
Quand le père Galeste eut à se servir du vélo, il le trouva à plat ; il voulu le regonfler, mais ne trouva pas la valve. Il écarta alors le pneu et put constater que la chambre à air s’était envolée. Ne croyant pas aux miracles, il eut tôt fait de repérer les nouveaux lance-pierres. Il interpella alors les deux frondeurs : « Dites-donc, les élastiques, vous les avez pris où ? »
La tête que firent les deux gamins équivalait à un aveu, ce qui leurs donna droit à une distribution de calottes et à la confiscation des engins.
Un certain temps s’écoula et les deux frangins pensèrent que le père avait dû oublier l’incident. Les lascars récupérèrent les lance-pierres, résultat : re-calottes, re-confiscation. Galeste avait une bonne mémoire.
Quelques années plus tôt, Raymond Plisonneau et son fidèle copain Roland Oliveau avaient trouvé comment pendant la guerre se procurer des élastiques pour les lance-pierres : Ils allaient couper quelques dizaines de mètres du fil de téléphone de campagne que les Allemands avaient installé en direction de la Bretonnière, puis ils récupéraient la gaine qui enrobait le fil ; celle-ci était un excellent caoutchouc bien élastique.
La récupération dépassant leur consommation, ils allaient vendre leur surplus aux gars du Gorgais.
Un voisin les ayant aperçu, il mis fin à leur juteux commerce qui aurait pu très mal se passer si les Allemands leurs avaient tombé dessus, et une bonne raclée si leurs paternels respectifs l’avaient appris.
Les deux frondeurs du Raccord.
Dédé Gérard
Quand leurs enfants Guinaudeau se chamaillaient et se disputaient entre eux, il arrivait que le père et la mère se servent d’une phrase magique envers le présumé coupable en lui disant qu’il irait se coucher pieds-nus. C’était une sorte de condamnation sans châtiment dont le seul but était de mettre fin au conflit tout en évitant un sentiment d’injustice pour le plaignant.
1ère photo : Les deux abounits ( accroupis ) Christian et Joselyne. Derrière : Maryvonne, Madeleine Brunet, le père et la mère Grégoire, Simone Robert, Jeannine, Adrien Galeste et le père de Lydie Baudry accoté au mur.
2ème photo : la 203 de Fernand Baudry avec devant :1er rang: Maryline, Didier, Roselyne Baudry.2ème rang :Chantal, Yannick, Nicole. 3ème rang : Christian, Jean-Guy Guilloton, Daniel, Yvette Baudry .